L’étude de l’ancienne hôtellerie de Marmoutier et de ses abords s’inscrit dans un programme plus large, entrepris en 2005 par le Laboratoire Archéologie et Territoires, afin d’étudier les transformations de ce grand monastère suburbain dans la longue durée, en prenant aussi en compte ce qui a précédé et suivi l’occupation monastique longue de quinze siècles, entre les années 370 et la Révolution française.
Sur le plan de la recherche monastique, il était important de ne pas se concentrer sur les seules églises abbatiales successives, largement sondées par Charles Lelong entre 1974 et 1983, mais de prendre aussi en compte d’autres édifices en position périphérique par rapport au carré claustral : la fouille de la partie détruite de l’ancienne hôtellerie fut donc entreprise dès 2006, après une première étude du bâti encore en élévation réalisée en 2005. Considérant le peu d’études archéologiques d’ampleur consacrées à des hôtelleries en contexte bénédictin, il a paru nécessaire de s’atteler à cette tâche à un moment où l’accueil et la place des pauvres comme des hôtes de marque dans les monastères faisaient l’objet de plus d’attention de la part des historiens comme des archéologues.
Au-delà de ses enjeux scientifiques, ce programme répond aussi aux besoins de la formation d’archéologie de l’université de Tours, dont Marmoutier représente depuis plus de quinze ans le principal chantier-école, et aux attentes de la municipalité, propriétaire d’une partie du site, en termes d’étude et de valorisation auprès du grand public. Un long chemin a été parcouru depuis le milieu des années 2000, aussi bien sur le plan strictement scientifique que sur celui de la diffusion des connaissances auprès des visiteurs, tourangeaux ou non, ce que manifeste notamment l’affluence lors des journées européennes du patrimoine.
Une telle entreprise est nécessairement collective et j’ai grand plaisir à saluer ici le travail des nombreux collaborateurs qui sont intervenus, pour la plupart dans un cadre universitaire, qu’il s’agisse de la conduite de la fouille et du traitement des données ponctués par des rapports annuels, tous accessibles sur HAL-CNRS, ou d’études plus spécialisées nécessaires à la compréhension d’un site complexe.
En plus de quinze ans de travail, diverses publications ont vu le jour, principalement des articles de synthèse présentant un premier bilan sur différents aspects de ce programme, qu’il s’agisse du rapport à la Loire et des premiers siècles d’occupation (Lorans 2012 ; Lorans et Simon 2018), de l’analyse des églises abbatiales antérieures à la construction du 13e siècle (Creissen et Lorans 2014), de l’hôtellerie et du cimetière adjacent (Lorans, Marot, Simon 2015), du culte rendu aux Sept-Dormants de Marmoutier (Lorans 2018) ou encore du Repos de Saint-Martin (Creissen et Lorans 2019). Plusieurs publications destinées au grand public sont parues ; citons un fascicule édité par la DRAC Centre-Val de Loire (Lorans et Creissen (dir.) 2014) et une section du catalogue de l’exposition Martin de Tours, le rayonnement de la cité, présentée au Musée des Beaux-Arts de Tours d’octobre 2016 à janvier 2017, à l’occasion du 1700e anniversaire de la naissance de saint Martin (Lorans et Creissen 2016).
L’achèvement de la publication de l’hôtellerie a aussi bénéficié de la formation d’un groupe de chercheurs constitué dans le cadre d’un programme franco-allemand soutenu par l’ANR et son équivalent d’Outre-Rhin. Coenotur, pour Coenobia Turonensia, réunit des historiens et des archéologues médiévistes qui se sont donné pour objectifs d’étudier les sources écrites d’origine martinienne, au sens large, du haut Moyen Âge au 13e siècle et de les confronter, quand cela est possible, aux données archéologiques afin de mieux comprendre les relations entre les communautés de Saint-Martin et de Marmoutier – et leurs satellites – comme leurs pratiques diplomatiques, liturgiques et architecturales. À ce titre, l’édition critique et la traduction du coutumier de Marmoutier (BnF Latin 12879) conduites par Lucien-Jean Bord et Frédéric-Antoine Gross (o.s.b. abbaye de Ligugé), comme la nouvelle édition de la Chronique des Abbés de Marmoutier et l’étude des dignitaires du monastère, réalisées par Claire Lamy, ont été particulièrement précieuses.
Ce programme de recherche et cette publication n’auraient pas vu le jour sans le soutien constant de la Ville de Tours, de la Région Centre-Val de Loire et de l’État (Ministère de la Culture). Au nom de toute l’équipe de Marmoutier, j’adresse mes plus vifs remerciements à ces institutions pour leur aide financière, scientifique et logistique. J’y ajoute l’établissement scolaire de Marmoutier qui accueille chaque été l’équipe de fouille dans ses murs et avec laquelle une fructueuse collaboration a été mise en place tout comme avec le service de valorisation du Patrimoine de la Ville de Tours.
Sur le plan éditorial, cette publication s’est voulue innovante en permettant au lecteur de naviguer entre texte, illustrations et bibliographie mais aussi en offrant deux niveaux de lecture : un niveau très synthétique qui permet de prendre rapidement connaissance des principaux résultats, un niveau à l’inverse très détaillé qui donne au lecteur la possibilité de recourir à la preuve en consultant la base de données en ligne ARSOL qui contient l’enregistrement de terrain.
D'un point de vue technique, le contenu de cette publication a été rédigé en XML-TEI (texte de la publication, liste des figures avec légendes, bibliographie et phases chronologiques). Ces fichiers sont transformés à la volée en HTML par des scripts PHP, en y ajoutant les liens vers les données sources dans la base ArSol. La cartographie est gérée par Leaflet, interfacé avec une base PostGIS. L'ensemble de l'application est dynamisé par du javascript (librairie JQuery).
Cette publication électronique consacrée à l’hôtellerie de Marmoutier et au cimetière adjacent, partiellement fouillé, inaugure une série qui rendra compte, au sein de la collection Recherches sur Tours (Supplément à la Revue Archéologique du Centre de la France), des travaux conduits sur ce site prestigieux par le Laboratoire Archéologie et Territoires. Que soient enfin remerciés les rapporteurs qui ont examiné cette publication avant sa parution.
Je dédie cet ouvrage à James Motteau, spécialiste du verre et du petit mobilier, qui a fidèlement accompagné les fouilles de Tours, celles de Saint-Mexme de Chinon et celles de Marmoutier pendant des décennies.
Élisabeth Lorans
Professeur d’archéologie médiévale à l’Université de Tours
Membre de l’Institut universitaire de France